Est-ce un problème d'être un artiste "commercial" ?

Salut les artistes ! Je suis très contente d'enregistrer cet épisode aujourd'hui parce que j'ai l'impression qu'on va aborder un sujet qui est assez tabou dans le monde de l'art et qui va faire écho chez pas mal d'artistes, c'est ce fameux mythe, j'assume pleinement ce mot, de “l'artiste commercial”.

J'entends ça depuis le début de ma vie professionnelle dans le monde de l'art, c'est-à-dire au moins dix ans, et j'ai toujours été hyper interloquée par cette formulation, parce qu’elle n’est pas méliorative, même si elle est facilement compréhensible : un artiste commercial, c'est quelqu'un qui a un art commercial, une production qui serait moins noble que les artistes dits institutionnels, et c'est un artiste qui produit pour vendre, qui fait plus du business que de l'art. Voilà tout ce que ça connote.

Dans les faits, l'histoire de l'art a montré que les artistes qui font de l'argent avec leur art, ce n'est pas nouveau et ça ne les rend pas moins nobles que d'autres.

Je trouve aussi que personne ne sait vraiment définir et donner des caractéristiques concrètes de ce qu'est un art commercial. Je trouve que le milieu street art prend souvent cher sur la question, et que, si on est un artiste très inspiré par l'époque, le mood Andy Warhol et pop’art américain, figure pop culture, on est très souvent associé à ces termes-là.

J'ai toujours trouvé ça super sévère, super méprisant. Et je ne trouvais pas ça hyper sympathique pour les artistes qui sont derrière, qui produisent, qui travaillent, qui se donnent du mal et qui vendent leurs œuvres.

Et tant mieux pour eux ! Que ce soit à Paris, à Saint-Tropez, sur la place des Vosges, à Courchevel, où que ce soit.

Je sais que c'est un sujet un peu compliqué. Je vais un petit peu dans la caricature, je le sais.

Mais, j'avais vraiment envie d'aborder avec vous ce sujet de l'art commercial, de l'artiste commercial, parce que je trouve que derrière cela se cache une énorme opposition et un grand tabou.

L'opposition, c'est le fait qu'on oppose des artistes qui assument pleinement le fait qu'ils vendent leurs œuvres et qu'ils produisent des œuvres qui se vendent bien, qui ont trouvé dans leur démarche d'artiste, dans leur style, quelque chose qui se vend, à l'artiste institutionnel qui serait plus noble dans sa démarche parce que dépossédé de toute envie capitaliste, de toute intention de commercialiser les œuvres, qui suit cet instinct viscéral d'artiste et qui n’a pas à vraiment s'inquiéter de ses ventes. Être artiste selon cette vision, c'est surtout créer, c'est surtout produire, et puis pour les ventes, on verra bien si ça marche.

Je trouve qu'il y a une très grosse opposition entre ces deux prismes, qu'il n’y a pas beaucoup de nuances, et surtout un grand mépris pour les artistes dits commerciaux, voire même un mépris pour les galeries qui les représentent, qu'on qualifie aussi de galeries commerciales.

Je ne vais pas citer une célèbre place à Paris, très belle, qui est entourée de galeries, A chaque fois qu'on parle de cette place ou de galeries qui y sont installées, ce n'est jamais avec de très beaux adjectifs.

Pour moi, derrière cette opposition se cache le grand tabou de l'art et de l'argent, de l'artiste et de l'argent. Je trouve que ce tabou dessert énormément d'artistes, puisqu'il induit qu’être artiste et produire des œuvres pour gagner de l'argent, ce n'est pas noble.

Pire, ce n'est pas normal ou ce n'est pas ça qui est sain quand on est artiste, ce n'est pas ça qui fait de toi un vrai artiste.

Je trouve que c'est dommage, puisque tous les artistes et toutes les artistes ne sont pas concernés par cet avis. Il y a des artistes qui sont pleinement OK avec l'idée de faire de l'argent et de gagner de l'argent. Je dis volontairement les deux, parce que gagner de l'argent et faire de l'argent, ce n'est pas pareil, mais ça peut être OK aussi pour des artistes. En fait, je ne vois pas pourquoi ça poserait un problème et je ne vois pas pourquoi ça ferait d'eux de “moins bons artistes”.

Je crois qu'à cause de cette polarité beaucoup d'artistes s'empêchent et se freinent dans leur production ou même dans leur stratégie de vente et de commercialisation de leurs œuvres par peur de paraître ou d'être qualifié d’artiste commercial et, du coup, de pas être reconnus par leurs pairs dans le monde de l'art, d'avoir une mauvaise réputation.

Je pense que ça déclenche chez les artistes une espèce de honte ou de peur qui fait que ça les freine concrètement dans leur carrière. Ca peut donner des effets du type : « Je vais tout faire pour ressembler davantage à un artiste institutionnel qu'à un artiste commercial, donc, je ne vais pas utiliser le marketing, je ne vais pas vendre mes œuvres en ligne, je ne vais pas avoir un shop, je ne vais pas faire de collabs avec des marques, je ne vais pas aller vers ce type de medium, vers ce type de sujets ».

Tout un tas de freins qui vont être mis en place par peur d'être perçu comme un artiste trop commercial. Je crois que parfois, certains artistes ne vont pas vers des choses qui sont très connectées à eux-mêmes, qui pourraient potentiellement les révéler et être connectées vraiment à leur eux-profond, mais vont préférer rentrer dans le moule des artistes plus institutionnels, de l'art plus conceptuel.

Ils vont parfois inventer des démarches avec des mots complètement incompréhensibles, qui font un peu pompeux et un peu intello, alors qu'en fait ce n'est pas de ça dont ils ont envie de parler, alors qu'en fait ce n'est pas vraiment ça qu'ils ont envie de produire ou de représenter.

Tout ça est très lié finalement à l'opposition que j'ai abordé et à cette question de l'argent, qui est liée au fait qu'un artiste doit aussi gagner sa vie, que c'est logique et que tous les artistes ne viennent pas d'un milieu bourgeois qui permet un matelas de sécurité et qui permet de se dire : « Je vis la bohème de toute façon, être artiste c'est vivre comme cela ».

Ou alors, il y a des artistes qui n'ont même pas ce matelas de sécurité financier et qui pensent vraiment avec une croyance très ancrée, en sortant des écoles d'art, des Beaux-arts, quelle que soit la ville, que c'est peut-être mieux d'avoir un job alimentaire à côté, de galérer, d'être parfois dans une situation précaire et de se contenter du minimum, mais d'avoir une production artistique à côté, quitte à peut-être ne pas la vendre, parce que la vendre, ça serait peut-être être un artiste commercial.

Et donc on observe parfois des artistes qui sont dans cette forme de précarité et pas vraiment prêts à vendre. C'est presque grossier. Alors que cravacher avec un job alimentaire à côté pour payer de quoi se loger et faire manger ma famille, c'est largement suffisant.

Ce que j'ai envie de faire passer comme message, c'est : ouvrez votre esprit, repousser ces barrières.

Franchement, regardez autour de vous, regardez dans l'histoire de l'art, regardez dans les actualités.

Il n'y a pas de bons ou de mauvais artistes.

Il n'y a que l'objectif de carrière que vous voulez atteindre, le positionnement d'artiste que vous voulez avoir, la situation financière d'artiste dont vous avez besoin pour vivre.t ensuite vous composez avec ces trois éléments.

Mais gagner de l'argent ou faire de l'argent grâce à votre production artistique ne fera pas de vous un mauvais artiste.

En tout cas, je souhaite combattre cette idée reçue, je souhaite combattre ce snobisme dans le monde de l'art, qui fait croire encore aux artistes qu'être un artiste commercial, donc qui vend et qui fait de l'argent ou qui gagne de l'argent grâce à ses productions, et qu'il l'assume, c'est grossier et c'est être un mauvais artiste.

C'est un truc de bourgeois, quand on y réfléchit. C'est trop facile de dire à des artistes : “Vous êtes un mauvais artiste parce que vous êtes un artiste commercial.” “Ah mais toi t'es pas un artiste, tu fais de l'art commercial”.

C'est super méprisant, c'est du mépris de classe presque. Qui ose avoir ces discours ? C'est peut-être des gens qui n’ont bien souvent (pas toujours) pas besoin d'argent, ou comme je le disais, des artistes qui ont une croyance très ancrée qu'être artiste, ça n'est pas forcément gagner sa vie grâce aux ventes de ses œuvres et que c'est grossier d'oser aller vers la marchandisation, la commercialisation, un aspect plus mercantile de ses œuvres.

Moi, je trouve que c'est une polarité, une vision qui est réductrice et méprisante pour celles et ceux qui assument et qui ont envie de se développer dans le monde de l'art, de s’émanciper, qui ont envie de gagner leur vie, de nourrir leur famille, de partir en vacances, de se loger dignement et de kiffer la vie grâce à la vente de leurs œuvres, tout simplement.

Voilà, j'espère que ce cet épisode vous aura inspiré puisque, selon moi, c'est un sujet qui est essentiel, qui est empêchant parfois pour les artistes.

Donc le message c'est : libérez-vous, libérez-vous de ce que vous pensez qu'on va dire de vous, libérez-vous des peurs qui vous font croire que vous n'allez pas atteindre tel niveau dans le monde de l'art ou avoir telle et telle opportunité, parce que vous allez être perçu comme un artiste commercial.

Le marché de l'art s'est transformé. Il y a eu de profondes mutations ces 10-15 dernières années, et encore de façon récente, avec des nouvelles initiatives, des nouveaux esprits chez les galeristes, de nouveaux partenaires qui sont plus variés qu'avant, comme avec les agences.

Avec l'avènement des réseaux sociaux, il y a eu beaucoup plus d'initiatives qui se sont mises en place, de partenaires qui sont possibles pour tout le monde, quelle que soit sa strate dans le niveau du marché de l'art.

Donc, libérez-vous, s'il vous plaît, de ces croyances et de ces idées reçues qui sont très tenaces dans le monde de l'art, parce que plein de choses sont possibles pour vous, du moment que vous savez où vous voulez aller, à quoi vous voulez ressembler vraiment et quel est le positionnement d'artiste que vous voulez avoir.

S'il vous plaît, ne vous enfermez pas dans le carcan de l'artiste qui doit être uniquement un créateur ou une créatrice qui produit des œuvres sans devoir forcément penser à les vendre. C'est juste, mais ça n'est pas totalement juste non plus. Vous pouvez être un artiste, un vrai, un bon, en produisant des œuvres que vous voulez vendre, c'est parfaitement OK.

Vous savez, j'ai appris très récemment, par une amie qui m'est chère, que la planète de l'argent, c'était Vénus. Moi, j'aime beaucoup l'astrologie, je suis quelqu'un qui est très sensible à ces différents outils pour comprendre concrètement, dans la réalité, comment agir.

Et, quand j'ai appris que la planète de l'argent, c'était Vénus, donc la planète aussi de l'amour, la planète de la beauté, je me suis dit qu'il y avait plein des trucs qu'on ne comprenait pas.

L'argent aujourd'hui, c'est très lié aux questions de domination, aux questions de pouvoir, aux questions autour du capitalisme, qui a fait des dommages dans notre société, dans notre monde, donc, on connote l'argent de façon extrêmement négative.

En plus, quand on est plutôt à gauche, prôner les valeurs d'argent, ce n'est pas super cohérent non plus. Quand on est dans le monde de l'art et de la culture, on est souvent à gauche, donc, il y a une espèce de polarité et d'opposition, de dissonance cognitive presque qui se met en place.

Et tout ça, c'est très important de le déconstruire parce que on peut être de gauche et vouloir de l'argent, et aimer l'argent, parce qu'en fait l'argent, c'est lié à l'abondance et c'est lié à la richesse, c'est lié au développement, c'est ce qui permet tout cela dans nos vies aujourd'hui.

Donc, je trouve que c'est une énergie très saine et c'est important de s'y connecter. Quand on sait que Vénus est la planète de l'argent? on ne peut plus fermer les yeux, il faut se connecter à cette dimension presque spirituelle et se dire que c'est sain d'en vouloir, c'est sain d'en demander davantage, c'est sain de d'exprimer qu'on en souffre si on en manque.

C'est sain de se dire que des œuvres d'art peuvent être commercialisées et ce n'est pas grossier. On peut encore créer des œuvres d'art si on sait qu’on va les vendre et on sait peut-être même à qui, c'est OK et ça ne fait pas de vous un moins bon artiste.

J'espère que ça aura aidé pas mal d'entre vous. N'hésitez pas à me partager vos réactions ici ou sur Instagram. Et puis, partagez cet épisode, ça va forcément aider quelqu'un autour de vous, j'en suis persuadée.

Merci de suivre Être artiste, je suis très reconnaissante des nombreux messages que je reçois. Je suis très touchée de voir que ça touche des gens, des artistes, et que ça aide. Donc, merci pour vos petits mots doux et vos encouragements et à très vite pour un prochain épisode !

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